A défaut de pouvoir sortir, ce temps, hors du temps, nous permet de freiner pour un instant la course folle de nos vies calibrées. Une respiration sociétale dans une année charnière, au crépuscule d’une décennie de bouleversements, héritière d’un XXème siècle bouillonnant, et à l’aube d’une ère nouvelle.
Y’aura-t-il un monde d‘après et si oui sera-t-il si dissemblable de ce monde d’avant ?
Est-ce que cette solidarité que nous montrons chaque soir à 20H durera dans ce nouveau monde d’après ? L’individualiste surconsommation ne reprendra-t-elle pas ses droits ? Nous en avons encore (déjà) trop d’exemples dans ce temps de crise. 4h d’attente dans sa voiture à la réouverture d’un McDrive, Vivendi qui vote l’augmentation de ses dividendes à plus de 99,5%, un multirécidiviste qui appelle au calme dans les banlieues… ce dernier point est-il le signe d’un changement profond ou un simple camouflet médiatique ? L’on s’habitue à tout je m’aperçois, même à voir chaque soir s’égrener les chiffres morbides d’un virus inconnu ou les publications récapitulant le nombre de femmes succombant aux frappes de leur conjoint. Mais ces électrochocs ne sont pas encore suffisants et pourraient même se banaliser si on y ajoutait bientôt les chiffres du tabac, ceux de l‘obésité morbide ou des découverts bancaires… car à la crise sanitaire que nous traverserons, succédera celle économique aux retombées incertaines mais, on le sait déjà, dévastatrices.
Je lis depuis plusieurs jours maintenant des réflexions sur ce monde d’après et je crois que nous sommes nombreux à l’appeler de nos vœux. Ce mode de vie occidentale que nous connaissons si bien pour l’avoir créé de nos mains, ou du moins laisser faire parce qu’il nous convenait, n’est plus pérenne. Cet après sera ainsi l’occasion de changer quelque chose pour nous, nos sociétés, notre planète et ceux qui viendront.
Nous sommes nos choix, écrivait Sartre.
Voilà une vérité propre à chacun et chacune et si les actions d’aujourd’hui déterminent notre vie de demain, alors nous devons profiter de cette pause pour nous recentrer sur ce qui fut notre essentiel à une époque et que nous avons perdu de vue, notre cercle, notre famille, nous-même. Manger plus sainement, localement, faire du sport, méditer et prendre soin de ses proches ; tous ces « petits gestes » nous font individuellement, quotidiennement, progresser. Ce sont évidemment de grands principes qu’il est facile de jeter comme ça sur une page blanche mais j’ai cet espoir, peut-être fou, que nous sortirons de cette période plus forts qu’en y entrant. Ironie d’une société basée sur l’individualisme que de voir une réflexion autocentrée amener des temps meilleurs.
Et pour cela il faut changer notre vision court-termiste, porter notre regard ailleurs et faire preuve de résilience car nul ne sait combien de temps encore cela durera. Quoiqu’il en soit nous écrivons ensemble, dans ces moments, une page des livres d’histoires et ceux qui nous survivront regarderont cette période avec attention. A nous de décider si elle y sera inscrite comme le début d’un âge nouveau ou comme une occasion ratée.
Nous avons déjà fait 1/5 de ce XXIème siècle tant attendu et dont on nous promettait tellement. Alors sûrement nous n’atteindrons pas les étoiles ni ne rencontrerons d’espèces extra-terrestres, mais comme nous sommes confinés sur cette planète les uns avec les autres, tachons de sauver ce qui peut l’être encore de notre humanité, de son unique vaisseau terrestre et n’en soyons pas nostalgiques.
Ne regardons pas en arrière, ce n’est pas là que nous allons.
Par Johan Schies
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