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Photo du rédacteurJohan Schies

De la catharsis et du rôle des artistes

Aristote écrivait, dans sa célèbre Poétique, que la catharsis est, pour le spectateur de théâtre dramatique, un moyen de purifier et de délivrer son âme de ses passions.


Aujourd’hui encore et peut-être plus que jamais ce sont les textes de théâtre et d’auteurs, qui nous donne le ton, le parfum délicat d’une période passée. Le prisme le plus fidèle d’un âge. Il faut se plonger dans les œuvres de Hugo, Goethe ou Beckett pour y comprendre en filigrane comment les faits de société ont influencés une ère et comment ces auteurs l’ont retranscrite.


Outre l’aspect économique essentiel à, d’après une tribune récente, 1,3 million de personnes qui vivent directement de leur travail dans les domaines de la culture et de l’art, c’est à l’aspect sociétal de notre profession que j’en appelle ici. Je n’oublie pas non plus les activités annexes, restaurants ou bars qui travaillent près des théâtres et vivent essentiellement des retombées de l’activité artistique attenante. Ou encore les communes qui s’animent essentiellement lors de festivals, concerts et animations culturelles qui égrènent nos déambulations estivales.


A chaque tournant majeur de notre histoire humaine et de ses vexations, le théâtre se pose en institution, en symbole des valeurs érigées par la société contemporaine. Et à ce titre, on peut se demander quelles implications le fait de fermer les théâtres, et autre lieux de spectacle peut avoir sur la période que nous traversons actuellement.


Au-delà du simple loisir, du divertissement ludique post-travail, il s’agit d’un exutoire où l’on vient pour observer les traits réels et pourtant si grossis, de notre réalité. Même si parfois cette duperie est déplaisante à voir, à entendre, dérangeante ou cynique mais toujours bienveillante, elle fait vibrer en nous une corde émotionnelle, elle nous permet d’en discuter et d’échanger. A la réflexion mise par les auteurs dans leurs créations, l’audience s’interroge à son tour et interprète, de son point de vue, avec son passif, ce à quoi elle vient d’assister. Les idées mûrissent et grandissent, tempêtes sous un crâne, avant de s’extérioriser dans le quotidien malade d’une société, malgré tout, en rémission.


C’est cette réflexion, ce choc, qui nous amène à évoluer en tant que société. D’être opposé à nos profondes contradictions, les affronter, pour ensemble les vaincre, s’en moquer et grandir. Il en va désormais de notre responsabilité d’artiste d’évacuer, dans les mois et années qui viennent, cette crise mondiale que nous traversons. Avec humour, gravité, dérision mais quel que soit la forme avec un fond juste au regard de ce temps.


C’est l’exemple des auteurs du théâtre de l’absurde né au début du XX siècle avec la chute de l’humanisme et l’industrialisation de la mort. Un courant presque mondial, qui cassant les codes du théâtre classique par une absence presque désespérante de communication dans l’humanité, sonne comme la réaction d’une société confrontée à l’horreur la plus absolue, et qui ne peut compenser son trop-plein passionnel, que par une forme absurde de sa pensée.


C’est peut-être le contre-pied de ce théâtre qui émergera dans les prochaines années, justement porté par l’hyper-communication et l’hyper-connectivité de notre société nouvelle. Il a peut-être déjà vu le jour sur les réseaux sociaux et les historiens identifieront cette crise comme le début d’une nouvelle façon de penser et de consommer du spectacle. A la fois vivant et virtuel, créé pour une unique représentation en direct et capté numériquement pour l’éternité. Où des artistes disséminés à travers le monde se retrouvent le temps d’une performance hors du commun, visible de partout sur le globe, de chez soi ou d’ailleurs.


Alors écrivons, réalisons, chantons, peignons et dansons car quand le temps sera venu de nous retrouver autour de l’art vivant, nous devrons remplir les salles, expier de nos cœurs ce temps de vie confiné et surtout tirer les enseignements profitables à ce nouveau monde.


Johan Schies

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